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TENNIS FEMININ - ACTUS
9 novembre 2011

CINQ QUESTIONS A...

Antoine Char. Anciennement journaliste au quotidien Le Jour, à l'Agence France-Presse, il collabore aujourd'hui avec LeDevoir et Métro. Il est également professeur à l'École des médias de l'UQÀM depuis une quinzaine d'années. Antoine Char est spécialisé dans l'information internationale, la presse américaine et l'éthique dans le journalisme. Il a écrit des ouvrages sur les pratiques journalistiques et la communication.

L'hebdomadaire satirique Charlie Hebdo a récemment publié en "une" une caricature de Mahomet. Ce  a entraîné l'incendie des bureaux de la rédaction. Selon vous, s'agit-il d'une provocation des journalistes ou de la simple liberté d'expression ?

Parfois il faut provoquer pour donner un peu plus de tonus à la liberté d'expression. Provoquer dans un but particulier. Parce que la liberté d'expression, comme la démocratie, comme toute liberté, s'exprime en temps de crise. Et dans cette affaire, à mon avis il y a une crise. Ici, j'emploierais les termes de Samuel Huntington, qui parle d'une « crise civilisationnelle », « une crise entre les cultures ».
Il reste que dans les sociétés occidentales que nous connaissons, dans lesquelles nous vivons, il existe une religion qui est la liberté d'expression. Elle est imparfaite. Il faut tous les jours se battre pour elle. Et il faut parfois ce genre de crise pour exprimer sa foi en cette « religion ».
À mon avis, ce n'est pas seulement une question de caricature, d'une religion en particulier. C'est surtout exprimer une chose fermement en dépit des conséquences qu'il peut y avoir.

Pensez-vous que les journalistes devraient revoir leur code de déontologie et s'imposer des limites vis à vis des sujets délicats, tels que la religion ?

Selon moi, quel que soit le sujet, il faut que les codes de déontologie des journalistes soient revus pratiquement tous les jours. Mais ce n'est ni évident, ni facile de remettre les choses en question. Il y a deux visions d'éthique. On parle d'éthique de la conviction et d'éthique de la responsabilité. La première est plus engagée. Le journaliste se met au service d'un principe avec le sentiment que le devoir s'impose à lui, peu importent les conséquences. La deuxième implique que le journaliste est plus soucieux des répercussions. Il prévoit les conséquences désirables et indésirables de son action. Finalement, on est toujours partagés entre les deux. On est balloté. Parfois on va plus vers une direction, parfois vers une autre direction. Il faut faire attention car chaque cas est un cas spécial.

Alors faut-il pérenniser l'existence de Charlie Hebdo ?

Charlie Hebdo est un animal assez spécial dans le paysage médiatique français, même dans le paysage médiatique occidental. Je pense qu'il faudrait des journaux satiriques comme Charlie Hebdo dans chaque culture. Et cela avec tous les travers de l'hebdomadaire. C'est-à-dire que, de par son traitement plus espacé de l'actualité, il peut consacrer davantage de temps aux sujets d'enquête, aux dossiers sur des thèmes spécialisés, au journalisme d'investigation. Charlie Hebdo s'autorise le droit de blasphémer, il ne plie devant rien. Il n'a aucun tabou. S'il n'y a pas de Charlie Hebdo, il n'y a pas de poil à gratter et on va dans le lisse.
Et puis, au-delà de la religion, il s'attaque aux idées des hommes politiques tant de gauche que de droite, d'ailleurs.

En parlant de politique justement, on a vu le rôle des médias sociaux lors des dernières élections fédérales au Canada. La liste des thèmes abordés était plus vaste sur internet notamment. Mais ne croyez-vous pas que ce phénomène d'e-campagne peut conduire à une quelconque dérive ?

Quand on est tous au fourneau, on risque tous de se brûler les doigts. On peut regretter certains gestes, certaines interventions. Mais c'est bien d'être à la cuisine et de concocter chacun un petit plat en vue d'un festin démocratique électoral. Les médias sociaux se greffent de plus en plus dans le débat démocratique, sociétal, dans les élections, dans les campagnes électorales... Pourquoi pas ? Après tout, les dirigeants se servent de plus en plus de leurs médias sociaux pour annoncer toute sorte de choses et justement contourner ce qu'ils estiment être une espèce de Mur de Berlin, tenu par les médias de masse, traditionnels. Alors, moi je n'y vois rien de dangereux.
Cependant, plus il y a de voix et plus il peut y avoir de dérives. C'est au journaliste -dit professionnel- de canaliser un maximum de voix, d'en déchiffrer certaines, de simplifier des messages, d'apporter une certaine complexité quand il en faut, mais de toute façon on peut tout tiquer. C'est évident. La boîte est grande ouverte et tout sort de ce paquet surprise. Le meilleur comme le pire.

Le média social est-il un nouveau moyen de sensibiliser les jeunes à la politique ?

Les jeunes grandissent avec ce nouveau vecteur de communication. Alors ils sont automatiquement sensibilisés, ils grandissent, ils se nourrissent avec.
Pourtant, politiquement, je dirais que ce ne sont pas les nouvelles technologies qui éduquent, c'est tout un système d'éducation. S'il n'y a pas un terreau fertile à éduquer les gens, ils ne vont pas s'instruire, qu'ils aient affaire aux médias sociaux, aux nouvelles technologies ou à un nouveau miracle. Il faut une certaine rigueur dans l'éducation... Prenons l'exemple de l'université. Si le professeur donne des bonnes notes à tout le monde pour avoir la paix et être aimé de la part des étudiants, l'étudiant avance mais il n'a pas les vraies balises qui lui permettront de mieux comprendre la société dans laquelle il vit. Alors, médias sociaux ou pas, je pense que c'est au départ le système d'éducation qui est le véritable ferment de cette question. Le reste, ce sont des artifices.

JQM

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