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TENNIS FEMININ - ACTUS
15 octobre 2012

ENTRE MOMENTS DE DOUTE ET RAGE DE VAINCRE

Gaétan Boucher, éternel double champion des JO de Sarajevo en 1984, la fierté de tout un peuple... Le patineur de vitesse québécois est aussi un homme comme tout le monde, marié et père de quatre enfants. Avec, durant toutes ces années, un leitmotiv : la volonté de toujours donner le meilleur de soi dans ses projets.

18 février 1988. Jeux Olympiques de Calgary. Gaétan Boucher est acclamé par le public canadien. Il vient là de signer son dernier 1000 mètres dans un grand championnat, chez lui. La cinquième place importe peu. Après deux années gâchées par une vieille blessure datant de 1983, le natif de Charlesbourg le sait, sa retraite approche. Usé par ces courses contre la montre, par ces soins interminables pour soigner une cheville récalcitrante, l'envie s'est envolée. Il est temps de passer à autre chose. « J'avais 29 ans à l'époque. Maintenant, on raccroche un peu plus tard parce que les gens sont plus impliqués et font beaucoup d'argent, ce qui n'était pas mon cas dans le temps. », raconte l'ancien patineur aux cheveux grisonnants.

De multiples opportunités
La reconversion ? Jamais chose simple pour un athlète de haut niveau. Là où les gestes techniques étaient devenus naturels, fluides, souvent parfaits... les automatismes liés à une nouvelle profession sont plus difficiles à appréhender. Mentalement, passer de l'euphorie des Jeux Olympiques à un quotidien bien plus ordinaire laisse des séquelles. « 
Je dirais que j'ai vécu une mini dépression qui s'est étirée sur une dizaine d'années. On cherche ce qu'on pourrait bien faire. J'ai travaillé dans le marketing pour une entreprise de produits laitiers pendant deux ans. Je me suis aperçu que je n'aimais pas ça, alors j'ai arrêté... »

Et puis, comme dans toute vie, la roue tourne. Gaétan Boucher est contacté par le fabricant d'équipement de hockey Nike Bauer. On lui propose un poste de développeur de produit. Il accepte sans hésiter. Là-bas, il va s'occuper d'objets, du concept à la production. « À partir de là, ç'a été plus facile. J'y suis resté 15 ans. » Être champion olympique ouvre des portes, facilite les choses. « Je suis aussi descripteur aux JO tous les quatre ans. On me l'a proposé parce que j'ai un bon nom. »

Le quadruple médaillé olympique ne patine plus, car il n'y a pas de longue piste au Québec. Alors il pratique le golf, sa nouvelle passion, pendant son temps libre, et s'essaie au vélo avec son épouse d'origine allemande, elle-même ancienne patineuse de haut niveau. Depuis le 1er octobre, il travaille à l'Arena de Rosemère. Il est désormais directeur général de la Corporation de développement culturel et sportif de la ville de la banlieue montréalaise (CDCSR). Il ne s'est pas encore approprié son bureau. Les tableaux, babioles et autres photographies de Fernand Proulx, son prédécesseur en semi-retraite, décorent la pièce. Assis devant son ordinateur, le débutant ne semble pas tout à fait à l'aise dans ce nouveau rôle, notamment lorsqu'il répond au téléphone. « Je remplace M. Proulx. Je m'appelle Gaétan Boucher, je suis le nouveau directeur général... », dit-il d'une voix peu assurée. L'inscription « Rosemère » qui apparaît sur sa chemise blanche au niveau du cœur vient en toute symbolique renforcer son attachement à la commune. « Ici, c'est ma ville. J'y vis depuis 22 ans avec ma femme et mes quatre enfants. C'est vraiment un bonheur d'être établi dans ce coin. » Rosemère, où il avait fondé un club de patinage de vitesse, où ses quatre enfants ont pratiqué le sport de leur père, avant de le délaisser pour le hockey. « Ma femme et moi avons la même mentalité sportive. On voulait que nos enfants fassent au moins un sport. Ils ont essayé le patinage mais ont préféré le hockey. Mon fils aîné est semi-professionnel dans la ligue américaine. », explique-t-il l'œil pétillant.

Contre les esprits étroits
L'anecdote le renvoie à son père, Cyrenus Boucher, féru de hockey. C'est grâce à lui, de façon indirecte, que Gaétan Boucher va se mettre au patinage de vitesse. Un scénario à la Walt Disney. Nous sommes en 1968, Gaétan a 10 ans. Il est fluet, timide. Son père le pousse à jouer à son sport de prédilection, comme ses grands frères, comme tous les québécois de son âge. Parce que faire du hockey, c'est normal. Mais l'enfant n'apprécie pas ce sport. « 
Il était déçu parce qu'il était le pire patineur de l'équipe. Alors il a arrêté et pris des leçons de patinage. », a raconté Cyrenus plus tard. À l'école, le garçon reçoit un dépliant qui fait la promotion du patinage de vitesse. Dans sa tête, cela fait tilt : « Je vais essayer ». Il ne connaît pas encore la discipline mais il est impatient de la découvrir. Son père ne semble pas s'intéresser à cet engouement soudain. Le gamin se rend à la patinoire chaque semaine, seul. Il glisse, se dépense, s'amuse. Et il gagne toutes ses courses. Un jour, le voisin des Boucher emmène son fils au club de patinage et voit Gaétan tout remporter. Il le dit à M. Boucher qui s'en étonne. Dorénavant, le paternel viendra assister aux entraînements de son cadet et deviendra son plus fervent supporter. La pratique de ce sport peu conventionnel au pays du hockey met en marge le petit. « On patinait avec des collants dans ce temps là... Je n'en ai pas souffert, mais le cercle d'amis se réduit naturellement aux gens qui ont les mêmes intérêts.... »

La machine est lancée. L'enfant devient adolescent, participe aux championnats nationaux, en ressort vainqueur. Il aiguise sa combativité. Un entraineur de l'époque déclare « Gaétan, c'est comme un petit agneau qui se transforme en lion ». Puis il s'expatrie en Europe parce qu'il n'y a pas d'infrastructures au Canada. Le patinage de vitesse, discipline née au XIIIè siècle aux Pays-Bas, est en plein développement. On ne gagne pas sa vie avec. Au mieux, on obtient une subvention de l'État après une éventuelle performance. Ce qui arrive à Gaétan Boucher après sa médaille d'argent aux Jeux Olympiques de Lake Placid en 1980. Le jeune homme choisit alors de poursuivre en parallèle des études de marketing et d'éducation physique.

En 1983, il se blesse à la cheville gauche après une chute. « Je suis tombé en fin d'une courte piste. Ça aurait pu ruiner mes chances pour Sarajevo. Mais j'ai eu une opération et avec la thérapie et tous les exercices, j'ai quand même réussi à revenir et à être en forme pour les JO. Sauf que les ligaments étaient touchés et il fallait leur donner le temps de guérir. Le fait d'avoir patiné si tôt après l'opération a mis un stress sur les ligaments. Il aurait fallu que je continue la thérapie mais je ne le savais pas... » Le champion à la taille moyenne ne revient pas à son meilleur niveau. Mais il garde l'espoir de revenir et travaille d'arrache-pied pour Calgary. À ce moment-là son père confie : « Gaétan y sera, croyez-moi. Il adore patiner. C'est presque une maladie. » La suite, on la connaît.

Une exposition médiatique contrôlée
À l'entente de son nom, les Québécois s'interrogent. « 
Que devient-il ? On ne le voit plus à la télévision... Je me demande ce que fait Gaétan Boucher. » Le patineur se fait de moins en moins présent dans les médias. Par choix, malgré les sollicitations. « Je refuse beaucoup de choses. », telle cette télé-réalité mettant en scène des personnalités dans un concours de cirque... Pas en adéquation avec le caractère réservé, presque pudique, de l'ex-athlète. « Il y a trois, quatre ans, j'ai décidé de couper. Pas les contrats de publicité parce que ça paye, mais j'ai arrêté les sorties publiques, les galas. J'étais tanné. Moins on en fait, moins on est visible et donc moins on nous invite. Et j'en suis bien content... » Il ajoute, « Je n'ai pas fait du sport pour la médiatisation. »

Cela n'empêche pas le sportif de s'exprimer quand il estime la cause essentielle. Comme récemment à propos des candidatures canadiennes aux Jeux Olympiques : « Ça ne sert à rien de se présenter si on sait qu'on ne va pas gagner. Il faut d'abord créer les infrastructures. » Quoi qu'il en soit, le patineur reste un monument dans la mémoire collective. L'anneau de glace à Québec, un centre sportif et une rue à Saint-Hubert qui portent son nom, en sont l'exemple même. Un fait assez rare pour le signaler.

JQM

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